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couleur(s) de la colline

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variations

il y a maintenant 10 ans, au théâtre national de la colline, à paris,

nabil hamdouni, gaspard pinta et marion nielsen, avons réalisé notre tout premier projet de marché public : 

rénover les espaces et mobiliers d'accueil des spectateurs.

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s'insérer dans un bâtiment existant n'est pas chose facile.

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la géométrie, la matière, la couleur,

toute variation peut modifier

la perception des espaces

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voici l'histoire d'un projet et du rebondissement inattendu de

ses nuanciers de couleur

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pour visiter le projet : hall d'accueil du théâtre national de la colline, 15 rue Malte Brun, Paris 20

Lorsque je me rends au théâtre de la Colline, je me sens un peu chez moi, j'y retrouve de vieux amis que je couve du regard.

Je m'assois sur le banc,  je jauge son confort et sa solidité.

 J'essaie bien sûr de me comporter en spectatrice, mais c'est plus fort que moi, j'observe furtivement comment se patinent les vernis et les tôles, quelles postures prennent les utilisateurs. Je m'éloigne des zones dont la conception me semblait déjà moins réussie lors de la livraison, comme si, m'étant mal comportée,  j'évitais de les regarder en face.

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Je me souviens de notre rencontre avec un lieu et ses décideurs : ses architectes Fabre et Perrottet, son directeur de l'époque, Stéphane Braunschweig, son directeur technique historique, Daniel Touloumet.

Nous avons visité, dessiné, maquetté, écrit, argumenté, dessiné et maquetté encore. Les échanges sont parfois durs, comme le jour où Fabre et Perrottet refusent de nous saluer et dénoncent notre projet qui "insère un corps étranger dans leur bâtiment".  

Accusés de viol en quelque sorte.

Nous admirons le bâtiment et ses architectes sans compromis. Nous sommes dépités, nous dessinons et maquettons encore.

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Tester la bonne forme à sa juste place, s'intégrer avec exactitude tout en répondant à un programme qui exigeait visibilité et renouveau.

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Chercher l'évidence.

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Trouver l'emplacement et la forme qui sembleront avoir toujours été là.

Qui se donneront un air presque banal, un air de rien, et dirigeront les spectateurs pour qu'ils les oublient aussitôt.*

Commet faire corps tout en faisant signal?

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Nous choisissons l'étirement de formes usuelles simplifiées. De longues horizontales se lovent dans les espaces-alcôves, se plient pour générer leurs propres spatialités..

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Puis vient le choix des couleurs, qui fait débat. Dans une première version, deux gris laqués, dans les mêmes nuances que ceux des murs, s'alternaient pour accentuer les effets lumineux : les plateaux horizontaux clairs, les panneaux verticaux foncés, afin de les faire un peu disparaître.

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Nous choisissons finalement d'assumer la couleur de la matière, des panneaux de mdf vernis, pour exprimer un contraste coloré naturel et texturé, dans des teintes qui rappellent celles des choix de mobilier d'origine.

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Avec la direction, nous nous convainquons que le signal manque de force, qu'il faut affirmer une touche de couleur vive.

A chaque zone d'intervention, une surface rouge ou jaune est appliquée, attirant et guidant l'oeil du visiteur dans cette nouvelle configuration des espaces d'accueil.

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Fin du premier acte.

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Je reviens souvent, je flâne, je frôle parfois le bois de ma main quand personne ne me regarde. 

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Puis vient ce jour de 2017, alors que Wajdi Mouawouad est devenu directeur. 

En est-ce la raison ?

Quoiqu'il en soit lorsque j'arrive au niveau bas, quelque chose attire mon regard. Ou plutôt, non, rien n'attire spécialement mon regard.

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Le jaune s'est éteint et est devenu gris.

Pour le mieux.

L'ensemble a gagné en harmonie, tout en laissant suffisamment de visibilité au mobilier et aux zones d'accueil.

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Nous avions tort. 

Celui qui l'a repeint a compris, avec un oeil neuf, que la forme et sa couleur naturelle suffisaient à faire signal, et que le jaune les empêchaient de faire corps avec le bâtiment.

 

Merci.

 

Pourriez-vous s'il vous plait repeindre aussi le rouge du Rez-de-chaussée ? 

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* Je me rends d'ailleurs compte que mes obsessions projectuelles d'aujourd'hui étaient déjà latentes en 2011.

Ou est-ce plutôt mon regard d'aujourd'hui qui oriente ma vision et ma mémoire de ce projet ?

L'oeuf ou la poule ?

épilogue :

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Je pense parfois au jour prochain où, en allant au théâtre, je découvrirai l'absence.

Ce jour où, après avoir rendu les services nécessaires, nos dispositifs auront été mis au rebut. Peut-être même qu'en allant à la réserve des arts j'en trouverais des morceaux éparpillés. Est-ce que je les reconnaîtrais ? 

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Je ne peux m'empêcher de ressentir à cette pensée un léger pincement, furtif.

J'espère seulement que cela arrivera après un vieillissement lent et heureux, en douceur.

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par Marion Nielsen

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© 2019 animatiques.net  marion nielsen & sonia das neves.

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